Le Christ sur la Croix de Rembrandt Harmenszoon van Rijn (1606/1607 – 1669), dit « Rembrandt ».
Le Christ sur la Croix de Rembrandt est une peinture à l’huile sur panneau de bois, de 100 par 73 cm, achevée en 1631. Rembrandt a alors vingt-cinq ans.

REMBRANDT EN SON TEMPS
Ayant acquis une certaine reconnaissance en tant que peintre, il reçoit de nombreuses commandes de portraits et quitte Leyde pour s’installer à Amsterdam. La ville s’est convertie à la Réforme en 1578, peu de temps avant la création de la République des Provinces-Unies, en 1579. Au XVIIème siècle, dans un contexte protestant, les artistes privilégient les scènes profanes. Cependant une tolérance demeure envers le culte catholique, et nombre d’artistes continuent de représenter le Christ, dans des oeuvres destinées aux églises, tout comme à la dévotion privée. Les circonstances de la commande du Christ sur la Croix, tout comme le commanditaire, sont inconnus. Le format de la peinture laisse toutefois penser qu’il s’agit d’un tableau de dévotion privée, peint pour être vu de près. L’oeuvre a pu être rapprochée de la série de sept tableaux sur le thème de la Passion, réalisés par Rembrandt entre 1633 et 1639 pour le prince Frédéric-Henri d’Orange Nassau. Six d’entre eux sont aujourd’hui conservés à la Pinacothèque de Munich.

L’OEUVRE
Sur ce tableau, le corps du Christ se détache d’un paysage sombre. Au sommet de la croix est clouée une inscription en grec, en latin et en hébreu : « Jésus de Nazareth, roi des Juifs », faisant allusion au texte que Ponce Pilate avait fait placer sur la croix (Jean 19, 19). La tête du Christ, couronnée d’épines, penche sur son épaule (figure 1). Du sang s’écoule de ses mains et de ses pieds, cloués à la croix. Les sourcils froncés, le front plissé, la bouche ouverte, le visage tordu de douleur, le Christ est à l’agonie : « À partir de la sixième heure (c’est-à-dire midi), l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure. Vers la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte, Eli, Eli, lema sabactani ? ce qui veut dire, mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Matthieu 27, 45-46). Dans ce moment de souffrances et d’isolement, le corps du Christ est toutefois baigné de lumière, telle une évocation de la résurrection à venir.

LA REPRESENTATION DU CHRIST AU XVIIe SIECLE
A l’époque de Rembrandt, l’image du Christ la plus répandue est encore celle des icônes byzantines, soit celle d’un homme aux traits fins, au long nez et aux lèvres minces. Lorsque le Christ est représenté sur la croix, il demeure glorieux, impassible devant la mort, tel le Christ en Croix de Jan Lievens, dont Rembrandt partageait l’atelier à Leyde, qui fut aussi peint en 1631 (figure 2). Vingt ans auparavant, Rubens avait réalisé une Descente de Croix qui se différenciait de cette iconographie traditionnelle (figure 3). Le Christ de Rubens, au corps musclé, évoque l’idéal des héros de l’Antiquité. Le Christ de Rembrandt, quant à lui, ne ressemble en rien aux représentations traditionnelles, ni à l’idéal antique de Rubens. Selon les termes de Blaise Ducos, conservateur au Louvre, il s’agit d’une véritable « révolution iconographique » : Rembrandt dépeint un être chétif, misérable, au visage tourmenté. Le Christ sur la Croix n’est pas sans rappeler les études d’expression menées par Rembrandt, notamment en gravure (figure 4). Le Christ n’est donc plus un archétype, mais un individu, un homme dont la souffrance doit susciter l’empathie du spectateur. Rembrandt met en lumière la nature humaine du Christ, plutôt que sa divinité. L’artiste représentera de nouveau le Christ sur la croix en 1653 dans une gravure célèbre, Les Trois Croix (figure 5), une œuvre d’une grande intensité dramatique, où le spectateur est cette fois tenu à distance, séparé de la figure lumineuse du Christ par les remous de la foule.


L’ARRIVEE DU TABLEAU AU MAS D’AGENAIS
En 1703, l’oeuvre appartenait à Catharina Elisabeth Bode, veuve de Valerius Röver à Delft, car un inventaire de ses biens réalisé cette année-là contenait un « Christ en croix de Rembrandt ». Une vente aux enchères de 1781 à Bruges fait ensuite mention d’une oeuvre de la collection de Marie-Alexandrine de Fraula, veuve de Philippe de Schietere, représentant « Jésus Christ attaché à la croix… peint dans l’année 1631, par Rembrandt ». Ces deux références indiquent que l’auteur et la date d’exécution du tableau sont connus. En 1804, Xavier Duffour, capitaine des armées impériales, originaire du Mas d’Agenais, fait l’acquisition du tableau à Dunkerque; il en fait don à la paroisse l’année suivante. Le tableau, à l’inventaire de 1905, est classé Monument Historique le 6 juin 1918. En 1959, une restauration par le laboratoire des musées nationaux fait apparaître, grâce à une radiographie, la signature de Rembrandt sous les pieds du
Christ : RHL 1631 (pour Rembrandt Harmenszoon de Leyde). Ceci laisse supposer que la signature a été un temps recouverte, pour une raison inconnue.

LES ASPECTS TECHNIQUES DU TABLEAU
Le tableau a été étudié en 2011 par Isabelle Leegenhoek, au sein des ateliers de restauration du Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France, afin d’être exposé au musée du Louvre lors de l’exposition « Rembrandt et la figure du Christ » (avril-juillet 2011). Les analyses de 2011 révèlent que le tableau n’est probablement pas une huile sur toile marouflée sur bois, comme on le croyait jusqu’alors, mais une oeuvre sur bois qui aurait été transposée sur un nouveau panneau au XIXème siècle. La restauratrice révèle ainsi la trame très fine de la gaze de transposition, et la préparation de l’oeuvre, caractéristique des préparations de Rembrandt sur bois, et non sur toile. Le tableau étant très fragile, seul un nettoyage a pu être réalisé en 2011. En 2021, à l’occasion de la restauration de la Collégiale, une nouvelle présentation a été conçue afin d’améliorer sa conservation, sa sécurité et sa mise en valeur. Pour éviter une modification des conditions climatiques auxquelles le tableau s’est accoutumé depuis le XIXème siècle, la vitrine comporte une aération naturelle, qui suivra l’évolution du climat dans la collégiale : une humidité relative comprise entre 70 et 95% et des variations de température de 5 à 20° suivant les saisons.

D.R.A.C Nouvelle-Aquitaine 2022

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